falling out of touch (elienzie)

Te voilà, te dirigeant vers le bar où tu as mis les pieds il y'a quelques jours. Le regard perdu, les bras ballants. Tu longes les rues, tu t'y égares. La ville est animée. Les corps se heurtent, les esprits se rencontrent. Et toi, tu es seul. Quelques gouttes d'alcool coulant dans ton sang. Pas beaucoup, mais assez, pour tenir toutes tes craintes enfermées quelque part dans ta tête. Les ruelles sont bruyantes, mais tu es si fatigué, si épuisé que tu ne parviens à entendre que quelques bruits étouffés plus loin. Comme si une brume épaisse flotte dans ton cerveau, et t'empêche de réfléchir correctement. Tu te perds dans les rues, accaparé par tes pensées destructrices, qui te ramènent constamment à lui, à elle. Tu jettes un coup d'oeil à ton téléphone, revenant vers les deux derniers messages qu'elle t'a envoyé, et qui répondent à toutes tes phrases incompréhensibles. Hier, tu avais bu aussi. Plus qu'aujourd'hui. Beaucoup plus même. Tellement que ta gueule de bois ne t'a toujours pas quitté. Et que tu l'as étouffé avec plus de liqueurs encore. Tu ramènes ta cigarette à tes lèvres. Comme à chaque fois. Ton venin dont tu peines à te séparer. Ton remède aussi. Ephémère, certes, mais ça te soulage le temps de quelques heures, et c'est déjà suffisant.

Oui, tu avais beaucoup trop bu, hier. Une bouteille, presque. Parce que les souvenirs t'ont assommé. Comme une réalité que l'on a trop longtemps cherché à te dissimuler. Tu t'es senti trahi. Tu as pleuré, tu as crié. Tu lui en as voulu à lui, à elle. À ton père, à ta mère. À tout le monde. Puis tu t'es effondré, et elle a hanté tes cauchemars une fois de plus. La sauver coûte que coûte, au risque de finir encore plus déplorable. Première chose à t'avoir traversé l'esprit, ce matin. Voilà pourquoi tu décides de réapparaitre dans sa vie. C'est encore flou, dans ta tête. Un magnifique brouillon. Tu as encore besoin de Kenzie. C'est le seul espoir qui te reste. La dernière chose à laquelle tu souhaites véritablement croire. Le destin vous a réuni, une fois de plus. Tu y crois.

La revoir après tant d'années a comme déclenché un déclic dans ta tête. Mais tu n'es pas non plus certain que tout cela, soit une bonne une idée. Tu as envie de l'aider. Peut-être même de retrouver une place importante dans sa vie. Mais ce dont tu es sûr, c'est que ça risque d'être tout autant nocif pour toi que pour elle. Parce que Kenzie est quelqu'un de bien, et toi, tu as commis beaucoup trop d'erreurs dans ta vie. Et tu ne penses pas être quelqu'un de bien. Du moins, certainement pas assez pour elle. T'as pas envie d'être égoïste. T'as pas envie de la réduire en poussière.  Tu vois le bar, un peu plus loin, et tu n'es soudainement plus certain qu'aller l'avoir soit une bonne idée. Ce soir, elle sort plus tôt que d'habitude. Tu es passé au bar il y'a à peine quelques jours, afin de prendre tous les renseignements possibles. De son numéro de téléphone, jusqu'à son emploi de temps. Les gens se plient généralement à tes ordres. L'influence des Byun sur la ville n'est pas anodine. Tu fais partie des plus "sacrés". Ceux à qui on n'oserait jamais refuser quelque chose. Et toi, tu en profites à chaque fois que tu en as l'occasion.

Tu laisses tes pieds te guider, jusqu'à la porte arrière du bar. Et après une dernière taffe, tu viens écraser ta cigarette avec ta chaussure, la réduisant en poussière, puis tu t'adosses contre un mur, attendant que Kenzie sorte. Chose qui ne tarde pas. Tu la vois quitter son lieu de travail, le visage déformé par la fatigue. À croire que ça ne la quitte pas. Un sourire incontrôlable vient aussitôt prendre place sur tes lèvres. Même avec une mine épuisée, et des cernes marquées, elle te semble incroyablement belle. Tu en as croisé, des femmes magnifiques dans ta vie. Mais Kenzie, elle a quelque chose de plus. Ce petit charme qui fait d'elle la femme la plus sublime que tu as pu admirer. Ça pourrait sembler exagéré. Mais c'est le cas. Tu aimes tout chez elle. Toutes ses petites imperfections. Ses petits complexes qui pour toi ne la rendent que plus jolie encore. Ses mains minuscules qui ne dépassent jamais les manches de ses pulls. Elle les a toujours trouvées ridicules, et pourtant, toi, c'est l'une des choses qui t'a toujours fait craquer. Ou encore, la petite cicatrice qui se trouve au plus haut de son front. Et à chaque fois qu'elle s'en plaignait, tu t'empressais d'aller y déposer un baiser. Kenzie t'a toujours rendu dingue. Dans un sens que tu n'as jamais pu cerner. Kenzie était ton amie, mais jusque là, elle tourmente toujours autant ton coeur.

Tu la guettes encore un peu, ton sourire ne s'estompant guère. Et au moment où tu t'avances de quelques pas, pour aller la rejoindre, tu vois cet homme s'approcher d'elle. Assez grand, plutôt musclé, et certainement dans les vapes. Il n'a pas l'air d'être une connaissance, vu l'air menaçant qu'il affiche de son regard et de son sourire mesquin. Tu l'entends lui marmonner quelques mots que tu n'arrives pas à bien décrypter. Et dès que sa main s'approche du bras de Kenzie, tu t'empresses de sortir de ta cachette, te jetant aussitôt sur lui, comme un réflexe, comme si tu t'y attendais. Tu la sens, la colère bouillir tout au fond de toi. « La touche pas connard ! » Les coups partent tous seuls. Tu en donnes quelques uns, tu en reçois aussi. La douleur ne se fait pas ressentir de suite, mais dès que l'homme s'en va, et que tu te retrouves affalé sur le sol, tu la sens te surplomber, et tu ne peux t'empêcher de lâcher quelques couinements de douleur. « Putain. » Le goût âcre que tu avales ne rend les choses que plus désagréables encore. « Tu vas bien ? » Lâchas-tu en un souffle, peinant à te relever. Peu importe l'état dans lequel tu te trouves, Kenzie passe avant tout.

Encore une longue journée de cours qui s’était terminée, encore une journée qui n’a fait que de te torturer. Tu as passer ta journée à relire tes sms échangés avec Elijah, te demandant comment il a pu avoir ton numéro, puis finalement, tu t’en fichais, parce que t’étais heureuse de pouvoir lui parler à nouveau. Tu avais tellement essayer d’entendre sa voix à nouveau cs six dernières années, maintenant qu’il est de retour, t’as aucune envie de le voir s’éloigner à nouveau de toi. Les derniers messages qu’il t’a envoyer alors que tu t’étais totalement endormi sur tes bouquins de révision t’ont totalement rendu inquiète pour lui. Tu as totalement senti sa détresse dans ses messages et tu n’as fais que de penser à ça toute la journée. Tu aimerais tellement le voir ce soir, mais tu devais te rendre au travail.

Ta soirée derrière le bar à servir de trop nombreux alcooliques a été la plus longue et chiante soirée de ta vie. Tu n’as fais que de penser à lui, t’as pas envie de lui envoyer de message pour tenter de le voir, t’es pas totalement prête à affronter Elijah et tous ces souvenirs qui se bousculent dans ta tête. Ta tête refuse de le voir et pourtant ton coeur ne réclame que ça, il t’a manqué, avec le temps tu as tenter de t’habituer à son absence, mais rien n’y faisait. Tout te ramenait à lui. Toutes les photos de vous que tu avais accrocher à ton miroir, tu as fini par les retirer pour les ranger, espérant commencer à l’oublier, à l’effacer de ta vie, mais tu finissais toujours par les ressortir et les regarder à nouveau, te remémorant les moments de chacun des clichés entre tes mains. Tu as toujours voulu quitter cette ville et encore plus après le décès d’Aiden et le départ d’Elijah parce que chaque recoins de cette ville te ramène à eux. Tu as du mal à supporter tout ça et tu rêves chaque nuit de partir loin d’ici, pour te faire une nouvelle vie, un nouveau toi…

Ce soir, tu as pu quitter le travail plus tôt, tu avais réussis à négocier pour quitter avant l’heure par rapport à tes révisions. T’étais épuisée et pourtant en rentrant et bien qu’il soit aux alentours de trois heures du matin, tu allais te mettre à réviser au moins deux heures. Tes examens approchent et te font stresser comme jamais tu n’as pu stresser dans ta vie. La bouffée d’air frais qui te frappe au visage lorsque tu sors du bar te fait énormément de bien, tu commençais à étouffer à l’intérieur entre ces hommes qui picolent pour oublier leur vie merdique et toi qui n’a fait qu’être ailleurs, Elijah dans tes pensées durant ces dernières heures. Tu restes quelques instants plantée là, profitant de la fraîcheur de la nuit. Tu n’as aucune envie de rentrer chez toi maintenant, tu sais que ton père t’y attend et qu’il doit encore avoir des litres d’alcool dans le sang, lui aussi. Tu as les yeux fermés, jusqu’à ce que tu entendes un bruit pas loin de toi, tu ouvres les yeux et fronces les sourcils vers la source du bruit. Tu serres fermement ton sac à main contre toi en voyant cet homme totalement bourré s’approcher de toi te balançant des vulgarités. Tu te sens subitement très mal, tu sais à quel point les hommes alcoolisés peuvent être dangereux, t’es effrayée, mais t’essaie de ne pas le montrer. Reculant légèrement, prête à entrer de nouveau dans le bar pour t’y mettre en sécurité, mais t’as pas le temps de réagir que tu vois une ombre filer sur ton agresseur, le ruant de coup et en prenant aussi. T’es horrifié par la scène qui est en train de se produire sous tes yeux et t’as aucun pouvoir pour arrêter ça. T’es encore plus horrifié lorsque tu remarques que c’est Elijah qui vient de faire fuir l’homme. Tu le fixes, apeurée et inquiète. « Moi, ça va, mais toi… » Tu te précipites vers lui, essayant de l’aider à se relever, tu détails son visage. « Elijah, tu saignes. » Tu sors rapidement un mouchoir de ton sac à main et tu viens l’appuyer sur la commissure de ses lèvres où se trouve la plaie de ton sauveur, en regardant chaque recoin de son visage pour vérifier qu’il ne soit pas blesser ailleurs.

Ta tête continue de tourner après avoir été accueillie par le sol bétonné. Une douleur affreuse t'assomme en entier, et le goût amer que t'as dans la bouche ne ponctue que encore plus ta mine dégoûtée. Ton regard se pose sur Mackenzie en premier, comme par réflexe. « T'en fais pas, ça va aller. »Oui, ça va aller. Mais la douleur reste néanmoins très présente. La violence de tous les coups n'a pas été très délicate à encaisser, et tu sais que la douleur que tu as dans le dos ne se dissipera pas du jour au lendemain. « Kenzie, ça en vaut pas la peine. » Lâches-tu en la voyant se précipiter vers toi. Tu ne bouges néanmoins pas, lorsque le bout de son mouchoir vient se déposer sur la commissure de tes lèvres, et tu ne réprimes qu'une petite grimace lorsque le tissu effleure ta blessure. « Un mouchoir… Tu me déçois, l'infirmière. » Tu souris légèrement à la brune en levant le menton un peu plus. « J'attends que tu me remercies et que tu vantes mes capacités de combattant. » Un petit rire s'échappe d'entre tes lèvres tandis que tu t'éloignes enfin.

Tu n'es pas dans une situation apte pour rigoler, mais ça t'amuse quelque peu tout de même. Mackenzie est là, ça ne pourrait pas être si pire que ça finalement. « J'aurais été plus crédible si je ne m'étais pris aucun coup, mais tu vas devoir t'en contenter princesse. Moi j'suis pas un prince. » Un soupir s'envole parmi ces mots remplis de sous-entendus, et tu te mets à marcher, jetant un coup d'oeil à la jeune femme derrière. « Tu viens ? Je te ramène chez toi. Hors de question que tu rentres toute seule. » Tu n'attends pas son accord, parce que de toute façon, tu ne comptes pas lui laisser le choix. Tes mains se retrouvent enfouies dans tes poches, tandis que tes pensées se retrouvent préoccupées. Comme à chaque fois qu'elle est là, tu ne sais plus comment agir, ni comment parler. Tu laisses les mots sortir avec spontanéité, mais à l'intérieur, c'est un vrai combat. Quels mots choisir ? Quel ton adapter ? Avec Kenzie, c'est toujours compliqué. Avec elle, c'est toujours différent.

Quand elle est avec toi, ta confiance naturelle ne devient que surjouée, et tu ne te reconnais pas à chaque mot que tu lui sors. « Merci. » Tu hausses tes épaules, tournant ton visage pour ancrer ton regard dans le sien pendant un instant.  « Pour le mouchoir. » Tu lui souris légèrement avant de poursuivre ta marche, égarant ton regard un peu plus loin. « Je ne serai pas toujours là, tu devrais faire plus attention la prochaine fois. » Et maintenant que tu viens d'assister à cette scène-là, tu n'es que d'avantage plus remonté par le fait que c'est ici qu'elle vient travailler presque chaque soir, prête à se faire attaquer à tout moment. « J'ai vraiment plus envie que tu bosses ici. » Tu remets le sujet sur le tapis, bien que tu n'en as aucun droit. Ceci-dit, être inquiet pour elle est largement suffisant pour que tu veuilles t'y immiscer.

Tu as encore du mal à saisir tout ce qu’il s’est passer, tout ce que tu perçois c’est qu’Elijah t’a très certainement sauvé la vie. T’as pleins de pensées horribles de ce qui aurait pu t’arriver s’il n’avait pas été là. Encore un fois, il a été ton sauveur comme il l’avait été avant. T’as juste envie de foncer dans ses bras et le serrer fort contre toi, mais tu te retiens parce que tu sais pas comment agir avec lui, après toutes ces années passées loin l’un de l’autre… Tu as finis tout de même par te précipité vers lui pour l’aider, c’est le moins que tu puisses faire. Tu essaie d’y aller doucement avec ton mouchoir, t’as aucune envie de lui faire encore plus mal qu’il ne l’a déjà. Tu lèves les yeux au ciel avec un léger sourire sur le côté lorsqu’il te parle de ton mouchoir. « Je pourrais aussi très bien te laisser saigner. » Tu le regardes s’éloigner un peu de toi en écrasant le mouchoir entre tes mains

« Te sous-estimes pas, Elijah. Tu m’as très certainement sauvé la vie… A part toi, qui aurait fait ça pour moi ? Je pourrais jamais assez te remercier pour ça. »
Tu lui souris légèrement parce qu’à cet instant, s’il n’avait pas été là, tu te serais trouver dans quel état ? Soit t’aurais fini inconsciente dans le coin de la rue ou bien t’aurais fini ta nuit dans le local du bar pour attendre le levé du soleil pour aller en cours. Lorsqu’il te dit qu’il te raccompagne chez toi, tu presses le pas pour te retrouver à sa hauteur, restant le plus proche possible de lui. T’as pas envie de le montrer, mais t’as vraiment été effrayée ce soir et t’as limite peur d’être trop loin d’Elijah à cet instant.

T’as l’impression d’être totalement en sécurité quand il est là, comme avant et ça te fait du bien de le retrouver même si tu doutes de retrouver votre complicité d’autrefois. Tu lui souris lorsqu’il te remercie pour le mouchoir. « C’est normal... » Quand tu as vu que c’était Elijah tu avais encore plus paniqué, tu as eu peur pour lui, t’as jamais douté de lui sur ça, mais c’était plus fort que toi, t’as toujours eu peur qu’il soit blessé. « Depuis que je bosses là, c’est la première fois que ça m’arrive... » Tu te contentes de soupirer ensuite, croisant les bras contre ta poitrine, l’adrénaline est redescendue et tu commences à sentir le froid. « Elijah... » Tu soupires un peu avant de poursuivre. « On en as déjà parler de ça… J’ai pas d’autres choix et tu le sais parfaitement... » Tu sais qu’il va encore te parler de l’entreprise de son père, mais t’as aucune envie de t’y incruster.

Le menton pointé vers le ciel et la démarche qui se fait lente. Un sourire sincère déforme tes lèvres blessées. Bizarrement, même après cette altercation, tu te sens heureux. Heureux qu'elle soit là juste à côté. Pas en colère cette fois-ci. Du moins, pas contre toi. « Justement, on n'en a pas assez parlé. » T'es prêt à tout pour, ne serait-ce que pour elle prenne le temps de vraiment y réfléchir sans se poser aucune contrainte. Tu sais que ça lui semble illogique, insensé. Tu arrives à peine, et en plus de te pointer sans permission dans sa vie, tu décides d'y instaurer des changements. Pourtant, toi, ça ne te semble pas si compliqué que ça. Tu as l'habitude de réaliser toutes tes envies, même les plus farfelues. L'idée de faire travailler Kenzie dans l'entreprise n'est pas une exception.

Tu ne sais pas pourquoi tu t'acharnes autant, mais maintenant que tu l'as retrouvé, tu as envie de l'avoir constamment avec toi. C'est un besoin. Une nécessité qui reprend le dessus même après des années loin d'elle.  Une partie de toi s'est envolée, quand tu as quitté la ville. Douloureusement, comme si tu déchirais un morceau de ta chair. Tu as quitté ta moitié, ton âme soeur. Et ça n'a jamais été facile à vivre. La revoir même après tout ce temps est comme une bouffée d'air fraiche, de quoi alléger ton coeur même si les tensions règnent toujours entre vous deux. « Tu as le choix, tu es juste têtue. » Soupiras-tu en t'arrêtant pendant une seconde avant de reprendre plus calmement ta marche. « Je veux juste me faire pardonner, Kenzie. » Avouas-tu en un souffle, sentant ton coeur se compresser légèrement.

« Et j'ai aussi envie qu'on rattrape tout le temps qu'on a perdu. Tu m'as énormément manqué, tu sais ? » Si tu as toujours eu une facilité déconcertante à la taquiner sur n'importe quel sujet, lui avouer actuellement ce que tu ressens te rend quelque peu gêné. C'est souvent la nuit que ton masque tombe, et que tes faiblesses s'exposent à la vue de tous.. Surtout Kenzie. Elle, elle a toujours su lire en toi. « Tu devrais prendre plus de temps pour toi. Je ne t'ai jamais vu autant épuisée. » Tu lui jettes rapidement un regard. Tu n'as pas tort. En plus d'avoir une mine très fatiguée, elle a perdu beaucoup de poids. Ses joues autrefois rebondies ont perdu de leurs couleurs, et ses beaux yeux habituellement étincelants sont devenues deux billes noires et ternes, démunies de toute expression. Elle a l'air d'être rentrée dans une spirale de laquelle elle n'arrive pas à se sortir. Une sorte de cercle vicieux qui lui détruit autant son moral que son physique. De quoi te rendre encore plus inquiet, tu détestes la voir dans cet état-là, encore plus quand tu te dis que si tu étais là, ça n'aurait peut-être pas été aussi pire. « Les grosses joues ça t'allait plutôt bien d'après mes souvenirs. » Lâchas-tu avec ton éternel sourire narquois, de quoi un peu camoufler ton appréhension vis-à-vis sa santé qui te semble si frêle.

Tu marches à ses côtés et tu ne peux que te sentir bien, tu sens ton pouls battre contre tes tempes. Tu ne sais plus quoi penser parce que t’es en colère dans le fond qu’il ait disparu du jour au lendemain il y a quelques années, te laissant seule contre le monde entier, mais t’es aussi heureuse qu’il soit là, il t’a sauvé la vie… Tu croises les bras contre ta poitrine en marchant à ses côtés, restant le plus proches possibles de lui, n’hésitant même pas à te coller contre lui. Tant qu’à faire. La familière sensation de chaleur que dégage son corps près du tien t’envahit, t’as juste envie de passer le reste de ton temps auprès de lui. « Je ne suis pas têtue. » Oui tu l’es, mais tu ne lui avoueras pas parce qu’en soit t’as pas envie de prendre ça pour tu ne sais quoi. Il revient et t’offre un bon petit job dans l’entreprise de sa famille. T’es pas comme ça, t’as pas envie de profiter de la situation et surtout t’es pas prête à bosser dans un lieu où tu sais que tu risques de le trouver à chaque instant parce que tu vas perdre pied, si ce n’est pas déjà fait.

Ton coeur se compresse et se met à battre à la chamade, manquant presque un battement, lorsqu’il laisse tomber son masque. L’entendre dire que tu lui as énormément manquer te met des papillons dans le ventre. Tu n’as jamais douté de lui, mais là tu ne sais pas quoi penser. Lui aussi il t’as manqué et beaucoup trop, mais tu pensais tout simplement qu’il s’en foutait de toi qu’il t’avait oublier depuis. Tu n’as cesser de regarder cette marque presque derrière ton oreille, celle qu’Elijah possède aussi, vous êtes liés, c’est une évidence, t’as toujours penser que tu finirais ta vie avec Elijah. « Tu m’as énormément manqué aussi, Elijah… » Tu ressers tes bras contre toi même, sentant une douleur à l’estomac, repensant  à l’enfant, tu aimerais lui en parler, mais t’as peur, t’as pas envie de gâcher votre moment.

Il te sort totalement de tes pensées en parlant de ton état, il n’a pas tort, tu n’en peux plus entre ton boulot, tes études et surtout tes examens qui sont passés, t’as pas eu le temps de te reposer, tu prépares déjà ta prochaine année d’études. « T’en fais pas, je vais bien.. » Tu soupires ces mots en tournant la tête pour regarder ailleurs. T’as pas envie de perdre de temps, t’as pas envie de foirer tes études parce que t’as que ça pour te sortir d’ici. « Laisses mes grosses joues où elles sont. » Tu le pousse légèrement avec ton coude, laissant apparaître un léger sourire sur tes lèvres. Tu n’aurais pas penser passer un bon moment avec lui ce soir, mais t’as aucune hâte de rentrer chez toi parce que tu sais que tu trouveras ton père ivre mort. Tu soupires en y pensant et tu te ressers un peu contre Elijah inconsciemment.

Une bulle fragile vous entoure, prête à se faire percer à tout moment. C'est à la fois calme, mais embaumé par une certaine tension pesante. Une couche de gêne que vous masquez avec vos petits sourires, pour oublier les erreurs du passé. Du moins, les mettre de côté, au risque de voir la situation dégénérer comme à chaque fois. « Tu m’as énormément manqué aussi, Elijah… » Un sourire sincère vient prendre aussitôt place sur tes lèvres. Savoir que tu lui manques ne te laisse pas indifférent. Aussi égoïste que cela pourrait paraitre, tu n'aurais pas accepté l'idée qu'elle puisse t'oublier. Bien que ça aurait peut-être été bénéfique pour elle. Elle est démunie, et tu as l'impression d'en être totalement la cause. « Arrête de dire n'importe quoi, Kenzie. J'aime pas quand tu me mens. » Ta voix se fait un peu plus ferme.

Non, elle ne va pas bien, et tu n'as pas envie qu'elle empire son état en se jouant ainsi de sa santé. Maintenant que tu es de retour à la ville, tu comptes bien garder constamment un oeil sur elle. Tu ne te permettrais pas de la laisser chuter encore plus longtemps. « Assez parlé de tout ça, maintenant. » Tu commences à contempler ses traits tirés par la fatigue et ton visage se radoucit aussitôt. Avec hésitation, ta main froide vient envelopper délicatement la sienne, englobant facilement sa paume en une étreinte douce et réconfortante, te provoquant une fois de plus un sourire regorgeant de bonheur. Avec elle, tes émotions contradictoires ne deviennent rien de plus que des loopings constants. « Je me sens bien. » Le coeur ouvert, tu laisses échapper ces quelques mots avec une grande authenticité. Si tu as toujours préféré ne pas dévoiler tes ressentis aux gens, ce soir, tu te dévoiles sans crainte. Parce que Kenzie ne t'a jamais jugé. Kenzie t'a toujours encouragé à montrer le meilleur de toi-même. Et depuis que tu t'es éloigné d'elle, tu as fait tout l'inverse.

Tu t'es montré sous les images les plus exécrables. Ces années loin d'elle ont fait de toi une personne qu'elle aurait sans aucun doute détesté. Une vague de culpabilité vient aussitôt t'assaillir suite à ces pensées, tandis que ta lèvre inférieure se retrouve nerveusement emprisonnée entre tes dents. « Comment ça s'est passé ? » Lâchas-tu en fuyant cette fois-ci le regard de la brune, préférant le noyer un peu plus loin dans les étoiles. « Quand je suis parti. » Tu regrettes aussitôt d'avoir posé cette question. Ta main vient fuir d'elle-même lâchement celle de Kenzie, aux souvenirs lointains qui vous ont tous les deux détruit. Ces souvenirs qui refont à chaque fois surface. À tout moment. Même quand tu penses les avoir enfin oublié. Elles restent là, bloquées dans un coin dans ta tête, prête à ressurgir pour briser les moments où tu commences enfin à aller de l'avant. Comme une sorte de châtiment. Un sentiment lourd qui vous pèsera pour toujours et à jamais dans le coeur.

T’as l’impression de perdre la raison, toutes tes pensées se mêlent les unes aux autres de rendent impossible de penser correctement. T’as l’impression de rêver et que lorsque tu ouvriras tes yeux, Elijah ne sera pas là, comme il l’a été ces dernières années. Tu aurais aimé que tout soit plus simple parce que présentement rien ne l’est, tu ne sais pas comment agir. Tu as peur que la conversation tourne mal et qu’il s’éloigne de toi, t’en a aucune envie parce que dans le fond, maintenant qu’il est là t’as aucune envie de le voir partir à nouveau. Tu baisses la tête lorsqu’il te parle, tu sais très bien qu’Elijah a toujours su savoir quand tu mentais et ça n’a pas changé malgré les années. Tu t’en veux de lui mentir comme ça, mais t’as pas envie qu’il te prenne en pitié parce qu’après tout, tu vis comme ça depuis bien trop longtemps maintenant, t’en a pris l’habitude..

T’es bien contente qu’il se décide de changer de sujet, t’as pas envie de continuer de parler de ton état et subitement t’es parcourus d’un frisson lorsqu’il saisit ta main dans la sienne et tu ne peux t’empêcher de sourire. T’as jamais compris comment il arrivait à te faire sentir comme ça, t’as jamais toute ta raison quand il est prêt de toi et ça ne change pas. Quand tu entends Elijah prononcer ces quelques mots, t’as le coeur qui joue des maracas, t’as l’impression d’entendre que lui qui bat beaucoup trop fort dans ta poitrine et tu sais pas si ça te fait mal ou pas. « Moi aussi... » Tu ressers l’étreinte de vos mains, ne sachant pas quoi ajouter d’autre sans te mettre à bégayer.

Tu fronces les sourcils lorsqu’il te demande comment ça s’est passé. De quoi parle-t-il ? Puis tu soupires quand il continue sa phrase et subitement, tu sens les larmes te monter aux yeux, t’essaie de les camoufler et tu ressens rapidement un vide lorsqu’il lâche ta main.  « Elijah… » Ta voix se fait tremblante et tu ne sais pas quoi lui dire exactement, lui dire la vérité ? Lui mentir et faire comme si rien ne t’avais affectée ? Lui avouer pour le bébé ? Non. La dernière option est inconcevable, t’as pas envie de le voir s'éloigner. Tu laisses un blanc quelques instants « Je me suis retrouvée seule. Ca a été horrible. » Tu as toujours cette voix qui tremble et tu décides d’admettre un peu de vérité, t’as pas envie de lui mentir sur ce que tu as ressentis. Depuis le début t’es beaucoup trop dépendante de lui et ça a été toxique pour toi.

Quitter la ville a été une décision prise sur un coup de tête, appuyée par ton géniteur qui était ravi de te voir prendre une décision aussi mature. Sur le coup, tu ne pensais plus à rien. Tu étais beaucoup trop sonné par la nouvelle. Tu voulais t'éloigner le plus vite possible, ne serait-ce que pour accepter un minimum l'idée de ne plus avoir ton meilleur ami à tes côtés. Sur le coup, tu n'avais pas pensé à ce que Mackenzie pouvait ressentir. Tu voulais t'éloigner d'elle aussi, parce que à chaque fois que tu étais avec elle tu ne pouvais que penser à ton meilleur ami défunt. Tu n'avais réalisé ton erreur que un certain temps après, lorsque la blessure avait commencer à se renfermer sur elle-même, mais qu'elle te laissait tout de même une brulure indélébile ainsi qu'un goût profondément amer. Tu n'avais osé rien faire du tout, parce que l'appeler était voué à confronter tes erreurs ainsi que tes peurs refoulées, et tu n'étais pas certain d'être assez prêt pour y faire face comme le grand que tu aimais prétendre être.

À la réponse de Kenzie, tu sens ton coeur se serrer douloureusement dans ta poitrine, tandis que ton regard se retrouve fixé sur le sol. Comme un gosse qui se fait réprimander, et qui n'assume pas ses erreurs. Tout ce que tu souhaiterais faire en ce moment, c'est retourner dans le temps, et fixer toutes les choses que tu as fracassé. Cependant, tu es contraint à vivre avec cette culpabilité sur la conscience encore un bon moment. « Je suis sincèrement désolé. » Tu essayes de fuir son regard, parce que si tu y décèles la moindre pointe de tristesse, tu ne ferais que te blâmer encore plus. Et tu t'es assez puni, avec toutes ces années que tu as passé à te pourrir toi-même comme châtiment. « Je n'aurais pas voulu une seconde que ça se finisse comme ça. » Et aussi ridicule que cela en a l'air, tu ne dis pas faux. Tu n'aurais pas pensé que les choses allaient prendre un tel tournant.

Dans ta tête, tout était assez simple, assez clair. Un schéma qui se voulait sans embuches, et qui allait t'aider à t'en sortir. Quitter la vile, c'était quitter tous ses souvenirs. Or, tu n'avais pas prévu que ces souvenirs destructeurs allaient te suivre sans te lâcher une seule seconde, et allaient te malmener jour et nuit sans arrêt. Pourtant, tu aurais dû t'en douter. Peu importe comment tu grandis, peu importe comment tu muris. Ce genre d'événements, ça reste coincé dans la tête et gravé dans le coeur. Ça peut te détruire, pour ensuite te reconstruire. Ou alors, ça peut te détruire tout court. Là où tu en es, bien que tu prétends le contraire à n'importe qui, tu ne penses pas avoir été capable de te reconstruire correctement. Les rires lointains de tes années d'université ne sont plus que quelques échos faux, qui t'aidaient à combler le vide temporairement.

Tu en as voulu au monde entier lorsque qu’Aiden vous a quitter et encore plus lorsqu’Elijah est parti sans rien dire du jour au lendemain. Tu l’as haïs pendant plusieurs jours jusqu’à ce que tu apprennes ta grossesse, tu pensais que tu pourrais le retrouver en tentant de l’appeler pour lui annoncer, tu voulais fonder ta famille avec lui et lui seul. Malheureusement le destin en a décider autrement. u avais fini par abandonner l’idée que que tu reverrais Elijah un jour, même si dans le fond tu espérais toujours sans même te l’avouer, et tu comptais faire ta vie avec ton fils. Puis tu avais totalement perdu goût à la vie lorsque tu as perdu ton bébé… Tu as haïs ton père et dans le fond tu le détestes toujours autant parce que sans ses conneries, tu aurais ton fils près de toi actuellement. Tu rentrerais le soir chez toi et tu aurais ce petit ange qui te sauterai dans les bras, te remontant le moral.

La question d’Elijah te remonte tous tes souvenirs douloureux de ces six dernières années, il t’a beaucoup trop manqué t’as eu l’impression qu’on t’arrachait une partie de toi. Tu te souviens encore le jour où comme tu avais pour habitude de lui envoyer un message chaque  matin à ton réveil, mais ce jour là tu n’avais rien reçu de sa part et le lendemain tu t’étais décidé à sonner chez lui, c’est comme ça que tu as su qu’il était parti, mais son père ne t’avait rien dit de plus, juste qu’il était parti. Tu te souviens de ce sentiment qui t’a envahis une fois que son père eut fermé la porte. T’en as des frissons rien que d’y penser.

« Le passé, c’est le passé. » Tu soupires un peu avant de reprendre ta phrase.. « J’ai pas envie de retourner sur le passé. Ce qui est fait, est fait. » Tu fais ça principalement pour arrêter de parler de tout ça, parce que ça te brise encore plus et t’en as assez de remuer le couteau dans la plaie à chaque fois. Surtout que c’est encore pire en l’ayant près de toi parce que tu ne fais que de penser à ton fils… votre fils… qui serait censé être là. Tu aimerais vraiment lui en parler, mais t’as cette boule au fond de la gorge, mais aussi au creux de l’estomac qui t’empêche de le faire, tu as totalement peur de ce qui pourrait se passer et t’as aucune envie de le perdre alors qu’il vient seulement de revenir dans ta vie. Inconsciemment, tu saisis sa main, la serrant légèrement.   « J’étais totalement perdue sans toi… Tu n’imagines pas tout ce qui m’est arrivé, Elijah. » Ta voix tremble encore et toujours, tu ne veux pas revenir sur la discussion, mais tu ne peux t’empêcher d’essayer de lui faire comprendre que t’as très mal vécue tes six dernières années.